CCAM

CCAM / Scène Nationale de Vandoeuvre

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Plongée #07 Liquid Loft

En  2019, nous avons pu découvrir au CCAM une performance chorégraphique d'une puissance sensorielle et visuelle étourdissante avec Deep Dish  du collectif autrichien Liquid Loft. Dans cette proposition inclassable, le travail de ce collectif rencontrait alors les sculptures et natures mortes étonnantes de Michel Blazy, dont les spectateurs et visiteurs du CCAM pouvaient découvrir plusieurs installations au sein de l'exposition Black Depth dans la galerie Robert Doisneau.

Liquid Loft, c'est un collectif fondé en 2005 par le chorégraphe Chris Haring, en compagnie du musicien Andreas Berger, de la danseuse Stephanie Cumming et du dramaturge Thomas Jelinek. En écho à la composition de ce groupe d'artistes s'épanouissant par différentes expressions artistiques, Liquid Loft propose des pièces et des performances, des films et des installations inclassables, entre danse, arts plastiques, théâtre, vidéo. Dans les théâtres, les musées, en extérieur, le collectif joue des technologies, de la déconstruction du corps et du mouvement, inspiré par la littérature de science-fiction et la pensée cyborg.

Explorateur de nouveaux terrains d'actions chorégraphiques, le collectif nous emmène loin -très loin- dans les champs de la liberté et de nouvelles manières de penser et de percevoir, usant de formes hybrides et originales. Cette Plongée sera l'occasion de découvrir quelques unes de ces pièces les plus marquantes...

Une des premières créations du collectif date de 2003 : Fremdkörper (« corps étranger » en allemand). Elle présente six entités étrangères, six aliens. Dans le noir de la scène six cercles de lumière se découpent sur le sol et laissent apparaître cinq interprètes/danseurs humanoïdes et un moniteur informatique enfermant un sixième être. Des créatures silencieuses semblant se débattre de manière inconfortable avec les corps dont elles ont pris possession, comme une représentation de l'aliénation et de ces fameux « corps étrangers ». Tandis que l'humain enfermé dans la machine est le seul doué de parole, et s'exprime au gré des turbulences sonores et de la musique puissante de Peter Rehberg... La scénographie, la musique, la dramaturgie font déjà de cette proposition un objet à part dans le paysage chorégraphique. Cette création a valu au collectif un prix à la Biennale de Lyon en 2004.


Quelques années plus tard, entre 2007 et 2008, Liquid Loft crée The Posing Project, un projet chorégraphique en trois actes. Posing observe les gestes, la pose, les attitudes, ces motifs de communication et de représentation et leurs complexités dans un contexte social donné.

Les trois actes du projet sont les suivants :

A – the art of wow

Se montrer, s'impressionner; donner à voir les traces de nos corps et de nos attitudes : voici le point de départ de cette pièce. Sur un plateau nu, cinq interprètes en uniforme (jeans délavés, t-shirt coloré) se meuvent sous un système son suspendu au-dessus de leur tête. Le travail de Liquid Loft montre là encore ce corps aliéné, malmené, répondant à des codes éculés et des attitudes convenues.


B – the art of seduction

Créé pour la Biennale de Venise en 2007 , pour lequel Liquid Loft recevra un Lion d'or , the art of seduction explore la mécanique complexe de la séduction, notamment celle qui se joue entre les interprètes et le public, par une construction scénographique entre danse et installation. On y retrouve cinq danseurs s'adonnant à divers exercices et apprentissages de la séduction, dans l'atelier d'Eros peut-être, évoquant des images variées telles que les sirènes séductrices de la mythologie mais aussi des tableaux évoquant directement Sade et ses vices. Les jeux d'ombres révèlent sur le mur de fond de scène les obscénités et les vices cachés de ces créatures abandonnées à leurs pulsions.


C – the art of Garfunkel

Le troisième volet choisit de faire référence à la fameuse chanson de Simon & Garfunkel : « …and the vision that was planted in my brain still remains within the sound of silence ». Le spectateur y devient lui-même interprète, the art of Garfunkel se présentant sous la forme d'une installation, comprenant les cercles de lumières déjà visibles dans le projet A et des installations vidéos figurant des « poseurs », qui seront les derniers spectateurs de ces stratégies de supériorité et de célébrité éphémère.

La pièce Posing B sera reprise cet été 2020 pour le festival de danse contemporaine ImPulsTanz à Vienne, ainsi qu'une nouvelle production et une publication à paraître prochainement. Chris Haring a donné une interview (en anglais) à propos de ce deuxième volet :



Dès 2011, la rencontre entre Chris Haring et le sculpteur-plasticien français Michel Blazy va initier une collaboration sur plusieurs pièces chorégraphiques qui formeront The Perfect Garden series (2010). Avec l'artiste visuel s'engage tout un travail inspiré par le Jardin des Délices, célèbre triptyque du peintre néerlandais Jérôme Bosch.

Dans la lignée du travail du collectif, les performances reposent sur le travail et la manipulation de différents éléments aux matérialités pourtant bien distinctes : les corps, le son, la matière organique, la lumière. Ainsi Michel Blazy se considère et considère son travail lui-même comme une matière qu'il offre à Chris Haring afin de créer ses performances.

Trois pièces chorégraphiques vont être créées, fruits de cette belle collaboration :

La première est WELLNESS, créée en 2011, qui fait évoluer sept danseurs se confrontant à la matière, présente concrètement sur le plateau par de l'amidon de pomme de terre et de longues et imposantes langues de mousse créées par Michel Blazy. Accompagnée d'une matière sonore évoquant elle aussi le sensible et le vivant, la pièce, comme son nom l'indique, s'intéresse aux notions de bien-être et de sensibilité, principes sociaux qui guident et sculptent nos corps et nos attitudes.



Dans Mush:Room les danseurs évoluent dans un espace carré empli de fils de colle, comme un cocon, fils avec lesquels les danseurs entrent inéluctablement en contact, ce qui fait que l'espace est détruit à la fin de la performance. Un monde en évolution, voué à la destruction, telle est une des significations du jardin, où l'on voit le temps passer, les fleurs éclore puis fâner, où la vie et la mort sont présentes en permanence. Les thèmes du pourrissement et de la déliquescences sont très présents dans cette série du Perfect Garden et seront encore plus manifestes dans Deep Dish.



Deep Dish (jouée en janvier 2019 au CCAM) va magnifier le jeu avec la matière organique par une scène de banquet complètement onirique. Quatre danseurs sont présents autour d'une table et entament un dîner qui va se muter en voyage dans un univers irréel, par la musique et l'ambiance sonore, par les gestes et chorégraphies, par les paysages et les tableaux créés par la caméra, manipulée par les danseurs au milieu d'une table remplie de fruits et de légumes. Ils pénètrent et nous font pénétrer dans cet univers, projeté à l'arrière-plan, et nous voyageons entre l'infiniment petit et l'infiniment grand, entre l'opulence et la décadence de notre monde.



Avec Foreign Tongues (2017/2018), Liquid Loft explore un peu plus avant le champ de la voix et des nouvelles approches du langage. Comme souvent, le projet se présente sous différentes formes, scénographies et configurations selon l'endroit où la performance a lieu. Il explore les interactions complexes entre le message verbal et sa transcription physique. Le projet s'enrichit de dizaines d'enregistrements vocaux, effectués dans différentes régions d'Europe, qui a donné naissance à une véritable « bibliothèque de Babylone ». Ici, les dialectes, les argots, les langues sont sources d'inspiration et créent un nouvel espace de jeu pour chaque nouvelle performance. À l'aide d'un dispositif sonore adaptable, les danseurs interprètent la langue à travers le mouvement sur la base de la phonétique et du rythme, et entremêlent le paysage sonore urbain avec les timbres des différentes régions géographiques.


Au sein du même projet, Church of Ignorance :


Plus récemment, il y a eu la création de Models of Reality (2019), un travail de réflexion sur l'architecture, par la création d'espaces imaginaires sur scène à l'aide de différentes matières. Les ambiances et assemblages sonores dialoguent avec la présence des corps sur scène, en faisant référence au « corps utopique » de Michel Foucault. Les espaces acoustiques évoquent différentes connotations émotionnelles et entraînent le spectateur dans le questionnement de ses perceptions.


Avec cette Plongée, nous n'avons fait qu’effleurer une partie de l'univers de Liquid Loft. Nous vous invitons à découvrir d'autres performances, expositions, installations sur le site internet de la compagnie. Ce dernier n'est disponible qu'en anglais mais vous pourrez vous plonger dans cet univers grâce aux nombreuses photos et vidéos.

Nous remercions Liquid Loft pour son aide dans la réalisation de cette Plongée #07.


Retrouvez toutes les Plongées et Créations du projet À L'HORIZON ici

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