Parfois, le monde semble sorti de ses gonds et s’être lancé dans une course effrénée vers un chaos. L’art et les artistes n'ont pas le pouvoir d’empêcher le fracas de l’époque, mais ils contribuent à entretenir une forme de réflexion collective et de désir de prendre en considération l’autre, celui qui est différent de nous.
Après deux années marquées par les catastrophes, la claustration et l’éloignement, il est plus que temps de nous retrouver, de nous rassembler autours de gestes poétiques et de nous réinventer des espaces communs. Alors, pour la première fois depuis de longs mois, nous dévoilons une saison dans l’espérance raisonnable que son déroulement ne soit pas interrompu ou altéré.
La Scène Nationale qui se dessine derrière cette programmation n’est plus tout à fait la même que celle qui opérait avant 2020. Le premier changement a consisté à inviter un artiste complice à dessiner cette saison avec nous. Il s’agit de Gurshad Shaheman, dont vous avez pu découvrir depuis plusieurs années les créations au CCAM, de Pourama, Pourama aux Forteresses en passant par Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du Prophète. Avec lui, nous avons longtemps parlé des raisons qui nous font aimer les artistes, les présences en scène, les gestes créatifs, les propositions les plus folles. Ensemble, nous avons élucubré d’innombrables possibilités. Nos imaginations nous ont même amené jusqu’à inventer une forme de temps fort qui n’existera qu’une seule et unique fois et qui se nomme Strange Days. Ces deux mots vous évoqueront peut-être une chanson foraine et mélancolique des Doors, mais ce n’est pas exactement de cela qu’il s’agit. Strange Days a pour objet de présenter durant une semaine des propositions artistiques aussi inclassables qu’irracontables. Pourquoi faire cela ? Parce que nous ressentons la nécessité de faire place à une forme d’absolue liberté, pour combattre la grisaille. Au sortir de l’hiver, vous pourrez venir sentir souffler ce vent d’invention et de déraison.
Plus encore qu’avant, nous souhaitons que le CCAM témoigne de la diversité culturelle et se fasse le miroir de la richesse des imaginaires qui habitent notre pays et se déploient par delà les frontières. Par exemple, avec nos amis de Diwan en Lorraine, à l’occasion du Salon du Livre d’ailleurs, nous présenterons le projet Shaeirat qui est créé à l’été 2022 au Festival d’Avignon et qui met à l’honneur quatre femmes poètes originaires de Palestine, de Syrie ou du Maroc.
Nous rêvons d’une Scène Nationale solidaire et inclusive, d’un lieu où chacun puisse trouver sa place. En ce sens, nous continuons à nous engager pour donner accès aux personnes malentendantes avec un spectacle théâtral traduit en LSF et une première utilisation de gilets vibrants sur une pièce de danse.
Cette programmation fait se côtoyer des jeunes talents tels que le chorégraphe Simon Feltz ou le metteur en scène Youssouf Abi-ayad et des signatures reconnues internationalement telles que celles de Tiago Rodrigues, le futur directeur du Festival d’Avignon, le collectif flamand tg STAN ou Fouad Boussouf qui, après le succès retentissant de Näss (présenté la saison dernière) revient avec une pièce inspirée par la diva égyptienne Oum Kalthoum.
Il y aurait encore tant et tant à raconter au sujet des artistes qui composent cette saison, de Musica à Nancy à nos balades hors les murs, en passant par nos histoires de fantômes... Il suffit probablement de laisser libre cours à sa curiosité et de partir à la rencontre de ceux dont la vie est dédiée à l’invention.