Imaginer une saison, c’est une sacrée aventure. Alors pour nous accompagner, des artistes sont invités à nous rejoindre ! Un regard audacieux et délicat, celui de Camille Mutel, chorégraphe aventureuse, qui teinte la programmation de ses propositions... Les trouverez-vous ? Des complices, Samuel Sighicelli et Benjamin de la Fuente, compositeurs passionnés de son et d’images, rejoignent la fête pour imaginer avec vous, nous, toutes et tous, des manières inventives de vivre la création musicale. Nous sommes décidément plus qu’heureux d’avancer en si bonne compagnie.
Depuis vingt ans, les musiques des membres de Sphota se sont nourries avec naturel et impertinence aussi bien des traditions anciennes, des musiques contemporaines, électroniques, expérimentales ou pop, que du présent et sa foisonnance artistique. Derrière cette multiplicité d’influences et de pratiques, derrière le goût de la découverte et de l’invention, ce qui nous habite continuellement, depuis nos débuts, c’est la question de “l’entendre”. Comment mieux “entendre” ? Comment faire “entendre” ? Que faire “entendre” ? Et “l’entendre” (étymologiquement “tendre vers”), c’est avant tout une histoire de relation — ça ne marche pas que dans un sens. Quoi de plus approprié qu’une résidence sur deux saisons dans un lieu accueillant, pour créer cette relation avec vous, publics et équipe du CCAM? Nous arrivons à Vandœuvre-lès-Nancy avec beaucoup de propositions musicales, mais également avec un credo dans nos valises : la création musicale — du moins celle qui se fait hors des grands feux médiatiques, bien au-delà d’une réunion de druides dans une forêt lointaine — est la possibilité d’une oasis de liberté d’écoute dans un monde saturé de son, un passage étroit dans le grand mur du son dressé par nos habitudes et nos héritages. À partir de ce credo, allons-y sans retenue : jouons, écoutons, enregistrons, fabriquons, faisons résonner, sans se sentir obligés d’être à l’unisson, mais surtout qu’on s’entende bien les uns les autres!
Benjamin de la Fuente et Samuel Sighicelli, Coopérative Sphota
Danser, programmer, jouer, être spectateur·trice, C’est : Ne pas laisser de traces, avoir l’élégance de la discrétion. Proposer des mots ténus, des gestes humbles, faire naître un présent par le dialogue. Ouvrir un possible. Buter sur un impossible. Rester en dehors. Ne pas savoir comment être au cœur. Offrir le goût de l’altérité. Apprendre à marcher sans bruit. Recevoir la complexité du monde, la respecter. Refuser la simplification. Approcher le réel et l’indicible. Et puis non... Refuser de tout transformer en savoir. Accepter l’incertitude. Vibrer patiemment sur la corde de l’intranquille. Plonger dans le fugace, l’ennui, l’émerveillement, la honte, la révolte, le sommeil, l’exaltation. Que voit-on, que ressent-on, qu’entend-on? Ici, un geste frénétique, là, un silence. Le bruit du monde dans un claquement sec. Un tremblement, une échappée, un rire. Cette saison au CCAM, C’est : Un ticket de loto, de drôles de lapins, un garçon de café, quelques miss et même un président. Une note de Cage, quelques pianos, des cordes pincées, d’autres vocales. Un mur de brique, quelques ossements, ici un pied et quelques ruines. De bonnes recettes, quelques éclairs, quatorze grenades, un naturopathe et autres monstres. Un enfant se tait, une machine rêve, une armoire et une table contiennent beaucoup (trop?). Puissent tous ces paysages, espaces visibles et invisibles, contribuer à renforcer notre sentiment et notre joie profonde d’appartenir à un monde composite.
Camille Mutel